Une lumière qui s’éteint…

On apprend à l’instant la mort du guitariste et chanteur Ziggy Bartlett.

Bartlett avait été en 1966 le fondateur et le principal inspirateur de la première mouture des Flinks Popes, dont il écrivit et composa  l’intégralité du premier album, l’incontournable « Whistling On the Sunrise Doors ». Salué unanimement par ses pairs ainsi que par la critique de l’époque comme un génie absolu, Bartlett avait étrangement disparu de la circulation dès l’automne 1968. De nombreuses légendes avaient couru sur les causes de sa soudaine disparition. D’aucuns attribuaient ce retrait à un épisode psychiatrique; Bartlett n’aurait pas supporté les feux de la rampe et se serait réfugié une fois pour toutes dans l’univers poétique où il avait précédemment puisé son inspiration. D’autres considèrent qu’il fut la victime paradigmatique des « heptazine casualties » (à l’époque, la consommation d’hallucinogènes du guitariste en avait effrayé plus d’un…)

Durant les trois décennies qui ont suivi, les hommages se multiplièrent;  le Flink Pope nouvelle mouture alla même jusqu’à dédier l’intégralité d’un album à la mémoire de son leader déchu (le très mélancolique « Where Are You Now? » et sa chanson éponyme). Pourtant, Bartlett ne devait jamais réapparaître en public, au grand dam des hordes de fans pour qui il devint une sorte de graal vivant.

Selon le porte-parole du Flink Pope, Ziggy Bartlett se serait éteint paisiblement dans le petit pavillon de Tsephiso où il vivait reclus depuis la fin des années 80.

Malgré sa très longue absence sur le devant de la scène, Bartlett laisse un héritage inappréciable, ainsi que des milliers de fans inconsolables. Parmi les réactions, citons Bong Karajan, qui déclarait ce matin: « Ziggy Bartlett était l’un des plus grand. Un des derniers héros, de ceux qui ne craignaient pas d’y laisser leur peau. Même si je n’ai jamais eu l’honneur de le rencontrer, c’est comme si je perdais un ami vraiment proche. Sa musique m’a toujours accompagné. C’est une immense tristesse… ».

 

En bonus: l’hommage de Vance Helmet, parue dans le Village Howler:

 « Un diamant brut s’en retourne à la terre. Il avait tiré de sa guitare électrique les stridences les plus improbables, et toujours ces stridences racontaient quelque chose, au-delà des mots, au-delà des concepts, au-delà de ce qu’aucune poésie n’est à même de coucher sur le papier. La voix éraillée de clochard céleste, toujours à cheval entre deux nuages, avait plongé trois générations de kids dans des jardins étranges, peuplés de trolls et chats siamois, de tangos lunaires et d’embouteillages galactiques, de rois déchus et de grenadine… et toujours ce putain de larsen qui vous coupait en deux, toujours par surprise, même après un million de fois, même après trente années passées à rejouer la même scène rituelle: l’aiguille posée lentement sur la platine, les bruits de télégraphe, les voix saturées, la basse qui martèle les croches au coeur d’une tempête électromagnétique, et ce larsen qui surgit comme une aurore boréale et emplit la pièce, embrase le ciel, efface tout ce qui n’est pas lui, et nous entraîne à sa suite pour un voyage dont on sait qu’il finira mal. La première fois, j’avais seize ans, c’était « Whistling On the Sunrise Doors » et son immmmmmmmense plage inaugurale, et dès la première seconde, je sus qu’il n’y avait jamais rien eu d’aussi important auparavant. Un type bizarre aux cheveux noirs comme la nuit et au sourire d’archange déchu venait de foutre à jamais le bordel dans ma vie, qui ne serait plus dès lors qu’une quête dionysiaque. Il m’avait montré la voie, il m’avait fait entrevoir ce monde oublié où la magie n’est pas un vain mot… Ainsi que l’avait écrit Witold Meshuggeh, « la magie n’est rien d’autre que ce qui lie la vie réelle et la poésie. Et ce par quoi ces deux dimensions cessent d’être l’une à l’autre incommensurables pour devenir intimement voisines et nécessaires l’une à l’autre ».

Ziggy était un authentique magicien, un passeur d’âmes, un perpétuel visiteur entre deux univers… ou plus. Il a changé ma vie. Je lui dois mes plus grandes joies et mes pires déceptions. Chaque fois que l’un d’entre nous se brûle les ailes, c’est un peu de son histoire qui nous est contée.

Merci. »

2 réflexions au sujet de « Une lumière qui s’éteint… »

  1. L’homme nous a également gratifié d’un répertoire solo émouvant et sublime: les albums The lunatic giggles, Bartlett et (H)Otel, des chansons comme sparkling elefant, Lady Grenadine resteront comme une marque indélébile dans l’histoire de la musique.

  2. et coup de chapeau.
    Des chansons comme « The Troll » ou « Yolanda’s Mom » n’ont pas fini de nous hanter…

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