…et les autorités de la ville persistent à faire la sourde oreille.
Tout le monde garde pourtant en mémoire les conséquences tragiques du cyclone Barnabé qui avait ravagé les côtes de la ville en novembre dernier : l’effondrement de trois des tours Batemco-Rugadala avait fait près de 3000 morts tandis que vingt autres tours des Cités Nouvelles étaient déclarées insalubres à la suite du sinistre. Au final, c’est plus de 30000 citicoles, pour la plupart des immigrés en attente de régularisation, qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans logement. L’opinion publique s’en était émue et Sonny Rugadala s’était engagé à dédommager l’ensemble des victimes. Cinq mois plus tard, c’est l’heure du bilan et force est de constater que pour les sans-logements, rien n’a vraiment changé. En guise de réparation, Rugadala s’est contenté de licencier Keller Graffenberg, alors porte-parole du consortium. Même déception du côté des mouvements de soutien qui avait rassemblé citoyens et artistes : on attend toujours le bilan financier du Barnabe Relief Fund du 15 novembre dernier, qui avait pourtant rassemblé plus de 200000 spectateurs payants dans les gradins du Hrundi Coliseum, et Clifford Mazarin demeure à ce jour introuvable… de même que la caisse du festival.
Excédés par l’indifférence des édiles, 500 sans-logements décidaient, 16 mars dernier, de s’installer « pour une durée indéterminée » dans le principal centre commercial de Sheerton (et l’un des plus luxueux du groupe Sukhumvit). A l’époque, le porte-parole du mouvement, l’activiste Tom Schneidermann, avait déclaré face à la presse : « Nous faisons valoir notre droit au logement d’une manière symboliquement forte. A partir d’aujourd’hui, nous entamons une grève de la faim qui se poursuivra jusqu’à ce que nous obtenions réparation ».
Deux jours plus tard, la grève de la faim était abandonnée au profit d’une action jugée plus porteuse potitiquement. « Puisque cet endroit est un temple de la consommation, nous comptons y consommer ! » avait déclaré Schneidermann, avant d’installer officiellement le QG de campagne des sans-logements au rayon charcuterie du centre commercial. « Néanmoins, nous nous engageons à ne pas consommer plus que nos besoins vitaux ne l’exigent ».
Deux mois plus tard, l’attitude des autorités n’a pas évolué et c’est un Tom Schneidermann désabusé (mais, ferons remarquer les mauvaises langues, quelque peu bouffi par l’excès de victuailles…) qui tenait une nouvelle conférence de presse au rayon literie , face à un parterre de journalistes moyennement attentifs. « Nous tiendrons… » a-t-il déclaré laconiquement avant d’inviter tous les journalistes pour un gigantesque barbecue au rayon boucherie.
Hopper Nilfisk a pour sa part laissé entendre qu’aucune action des forces de l’ordre n’était envisagée afin de déloger les sans-logements, et ce malgré les protestations grandissantes du groupe Sukhumvit, dont les pertes financières se sont singulièrement accrues depuis que le QG de campagne des Citicoles a émigré vers le rayon spiritueux.